FONCTIONNALISME (architecture)

FONCTIONNALISME (architecture)
FONCTIONNALISME (architecture)

FONCTIONNALISME, architecture

On pourrait définir le fonctionnalisme comme une réponse plus ou moins appropriée aux besoins spécifiques d’une époque ou d’une société donnée. Dans le domaine de l’art, en particulier, un objet est perçu comme un objet d’art, selon Panofsky, quand la forme l’emporte sur la fonction, c’est-à-dire quand la perception s’attache plus à l’analyse de ses composantes stylistiques qu’à celle de ses fins utilitaires. Or cette dichotomie entre l’art et la fonction, qu’une certaine esthétique occidentale a introduite, se révèle tout à fait arbitraire, si l’on considère que la structure de toute œuvre (au sens large du mot) obéit à un plan préconçu en fonction de son utilisation. Les sociétés africaines, qui ignorent la discrimination occidentale entre l’art et la fonction, conçoivent leurs objets et leur architecture en relation avec les besoins sociaux: structure familiale, structure hiérarchique, climat, mode d’habitation (sédentarisme, nomadisme), le tout s’insérant dans un système symbolique (religieux) commun. Les poids en laiton ashanti sont à la fois un instrument servant à la pesée et un répertoire encyclopédique de tout le savoir ashanti.

En Occident, la notion de fonctionnalisme connaît son plus exact emploi dans l’architecture romane, où elle se définit comme l’adéquation de la forme à la fonction, soit l’aménagement de l’espace en fonction d’une règle religieuse et des mouvements qu’elle implique (déambulatoire des églises de pèlerinage, galeries où pouvaient dormir les pèlerins, parvis, lieu de rassemblement et de spectacle). Au contraire, l’architecture médiévale seigneuriale n’est fonctionnelle que dans sa conception militaire. Le château fort est avant tout une forteresse défensive, et c’est à cet impératif exclusif qu’obéit son agencement (situation géographique élevée, enceintes successives, quasi-absence de fenêtres). Mais, au niveau des besoins humains de la vie quotidienne, elle constitue presque un contresens: obscurité et froideur des grandes salles, absence de salles privées, inconfort mobilier. Très vite, aux XIIIe et XIVe siècles, on opposera le confort de la maison bourgeoise à la rudesse de la vie privée du donjon. Pour la première fois, les notions de confort et de fonction dans l’architecture se trouvent liées et caractériseront toute l’architecture domestique de la Renaissance. L’architecture palatiale classique, en Europe, témoigne au contraire d’un illogisme au niveau de l’agencement architectural dont Versailles est le plus bel exemple. Le fonctionnalisme, au sens d’adaptation de la forme aux besoins humains, n’existe ni à Versailles, ni à Schönbrunn, ni à la Granja, et le fonctionnalisme qui semble avoir présidé à l’élaboration de ces édifices est plutôt d’ordre idéologique: fonction d’apparat qui se veut le témoin et le garant d’un pouvoir politique fortement centralisé. Versailles est adapté aux besoins artificiels d’une vie de cour qui n’existe que pour paraître et dont le meilleur symbole est la galerie des Glaces. Au XVIIIe siècle, on assiste à une prise de conscience de l’importance de la vie privée, du plaisir de vivre dans un décor adapté à des goûts personnels, et du besoin d’intimité. Les pièces deviennent plus petites, les salons particuliers, les boudoirs sont désormais les éléments indispensables de toute habitation de luxe (hôtel de Rohan-Soubise, petits appartements de Marie-Antoinette à Versailles, hôtels de La Vrillère, de Matignon, de Salm).

Mais cette architecture, fonctionnelle dans la mesure où elle prend en considération les exigences de la vie quotidienne, est le seul fait des privilégiés, les classes populaires vivant alors dans des taudis ou des immeubles insalubres. C’est précisément à la solution de ce problème que s’est attaqué le Bauhaus. L’architecture moderne doit se définir en fonction des besoins concrets de la civilisation industrielle, édicte W. Gropius dans son manifeste inaugural. C’est également à ce problème que se sont attachés l’école de Chicago, Le Corbusier, Niemeyer, piliers du fonctionnalisme contemporain. Or la théorie de l’espace fonctionnel qu’ils ont développée donne lieu à l’heure actuelle à de nombreux malentendus (volontaires ou non). Le fonctionnel devient très souvent la justification du système commercial immobilier. Ainsi, l’utilisation abusive de la notion d’espace minimal de Le Corbusier a conduit à la construction en masse de logements dont l’agencement (espaces réduits d’une manière outrancière, distribution «économique» des pièces) et la situation (méconnaissance des conditions climatiques, par exemple) débouchent sur des non-sens architecturaux. «Fonctionnel» semble perdre sa signification première d’adaptation de l’espace habité aux besoins humains, et sert le plus souvent d’alibi commercial obéissant à l’impératif de la rentabilité.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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